Lope de Vega

Lope de Vega

Date de naissance 25.11.1562 à Madrid, Comunidad de Madrid, Espagne

Date de décès 27.8.1635 à Madrid, Comunidad de Madrid, Espagne

Lope de Vega

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Lope de Vega

Félix Lope de Vega y Carpio est un dramaturge et poète espagnol, est né le 25 novembre 1562 et décède le 27 août 1635. Il est considéré comme l'un des écrivains majeurs du Siècle d'or espagnol. Surnommé par Miguel de Cervantes « le Phénix, le monstre de la nature », il est le fondateur de la Comedia nueva[1] ou tragi-comédie à l'espagnole à un moment où le théâtre devenait un phénomène culturel de masse.

Lope de Vega a été un auteur extrêmement prolifique : il aurait écrit environ 3 000 sonnets, 9 épopées, des romans, 1 800 pièces profanes, 400 drames religieux, de nombreux intermèdes[2]. Il a cultivé tous les tons et abordé tous les thèmes.

Ami de Quevedo et de Juan Ruiz de Alarcón, ennemi de Luis de Góngora et envié par Cervantes, sa vie a été aussi extrême que son uvre, il était chevalier de Malte de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

Biographie

Jeunesse

Félix Lope de Vega y Carpio est issu dune famille humble originaire de Valle de Carriedo (Santander). Il est le fils de Félix de Vega, brodeur, et de Francisca Fernández Flórez. Si nous ne savons rien de sa mère, en revanche nous savons que son père sinstalle à Madrid en 1561, après un bref séjour à Valladolid. Lope de Vega affirmera par la suite que son père est venu à Madrid pour suivre une conquête amoureuse que sa future mère fera rompre : Lope sera le fruit de la réconciliation de ses parents et devra son existence à la jalousie quil saura si bien décrire dans son uvre dramatique.

Enfant précoce, il sait lire le latin et le castillan dès lâge de cinq ans. Cest à cet âge quil compose ses premiers vers. Il révèle lui-même que cest à douze ans quil écrit des comedias (Yo las componía de once y doce años / de a cuatro actos y de a cuatro pliegos / porque cada acto un pliego contenía)[3]. Son talent lui ouvre les portes de lécole madrilène du poète et musicien Vicente Espinel quil citera toujours avec vénération, comme dans ce sonnet : « Aquesta pluma, célèbre maestro / que me pusisteis en las manos, cuando / los primeros caracteres firmando / estaba, temeroso y poco diestro... » Il continue sa formation à la Compagnie de Jésus qui deviendra plus tard le Colegio Imperial (1574).

Il poursuit ensuite des études à luniversité dAlcalá de Henares pendant quatre ans (1577-1581) mais nobtient aucun diplôme. Sa vie amoureuse dissolue léloigne du sacerdoce et le prive des bourses détudes de ses protecteurs. Il vit d'expédients, gagne sa vie comme secrétaire de secrétaire daristocrates, gagne un peu d'argent en écrivant des comedias et piezas de circunstancias.

En 1583, il sengage dans la marine et livre bataille contre les Portugais à lIsla Terceira, sous les ordres de son futur ami, Álvaro de Bazán, marquis de Santa Cruz de Mudela.

Lexil

Étudiant alors la grammaire aux Teatinos et les mathématiques à l'Academia Real, il sert de secrétaire au marquis de las Navas, mais il est distrait de toutes ses activités par ses nombreuses relations amoureuses.

De son premier grand amour naît lexil. Elena Osorio (la "Filis" de ses vers), femme mariée à lacteur Cristobal Calderón, et fille du metteur en scène Jerónimo Velázquez, devient son premier grand amour. Séparée de son premier mari, elle se remarie (obligée par son père, qui forcera la rupture avec Lope) au noble Francisco Perrenot. Lope, par vengeance, insulte la famille de ce dernier via des libelles. Il dénonce la situation dans sa comedia Belardo furioso et dans une série de sonnets. Il est alors traduit en justice et la sentence est sévère : cinq ans dinterdiction de séjour à Madrid et deux ans dexil du royaume de Castille, le tout sous peine de mort.

Lope se souviendra de cet amour dans son roman La Dorotea. Mais il est déjà de nouveau amoureux dIsabel de Alderete y Urbina (il usa de l'anagramme "Belisa" dans ses vers), avec qui il se marie en 1588 après lavoir enlevée (le mariage l'ayant sauvé d'un nouveau procès). Cette même année, Lope sengage dans lInvincible Armada[4] sur le galion San Juan.

Après la débâcle de lInvincible Armada, dont il survit miraculeusement au naufrage, Lope revient à Valence en décembre 1588 avec Isabel de Urbina. Le théâtre est alors en pleine effervescence, Lope perfectionne sa mise en scène, assiste à de nombreuses représentations dont celles de lAcademia de los nocturnos (Théâtre local). Il y remarque le refus de lunité daction, limbroglio italien.

En 1590, Lope s'installe de nouveau à Tolède et se met au service de don Francisco de Ribera Barroso et du duc d'Alba, don Antonio de Toledo y Beamonte, en sintroduisant comme gentilhomme de chambre à la cour ducale dAlba de Tormes, où il vécut de 1592 à 1595. Il y découvre le théâtre de Juan del Encina, et en reprendra le personnage du gracioso (valet bouffon) en perfectionnant son aspect dramatique.

Isabel de Urbina meurt en 1594. Cest à ce moment quil écrit son roman pastoral La Arcadia.

Le retour en Castille

En 1595, passés les huit années dexil, Lope revient à Madrid. Lannée suivante, il subit un nouveau procès pour cause de concubinage avec lactrice Antonia Trillo. En 1598, il se marie avec Juana de Guardo, fille dun riche commerçant de viande de la cour, ce qui lui attire lironie et la moquerie de plusieurs des grands esprits de lépoque (dont Luis de Góngora). Juana était apparemment vulgaire, au sang douteux[5], et le mariage semblait plus dicté par largent que par lamour. Lope eut pourtant avec Juana son fils préféré, Carlos Félix, ainsi que trois filles.

Il vit jusquen 1603 à Séville en tant que secrétaire du futur comte de Lemos, et entretient une relation sérieuse avec Micaela de Luján à qui il dédie nombre de ses vers. Femme mariée, actrice, il eut cinq enfants avec elle, dont ses préférés, Marcela et Lope Félix. Cest une des relations amoureuses importantes de Lope, et il semble que cette dernière se termine en 1608. Vivant entre plusieurs foyers familiaux et un grand nombre de maîtresses beaucoup dactrices, comme le démontre le procès de concubinage de 1596 - Lope se voit dans lobligation dassurer un train de vie onéreux et de soutenir plusieurs relations et enfants légitimes ou non. Il y arrive grâce à un travail acharné, écrivant sans relâche poésies et comedias, parfois imprimées sans relecture. Ce nest quà trente-huit ans que Lope peut enfin corriger et éditer une partie de son uvre. En tant quécrivain professionnel, il demande lobtention de droits dauteur sur ceux qui imprimaient ses comedias sans sa permission et, à défaut, le droit de correction de ses propres uvres.

En 1605 Lope entre au service de Luis Fernandez de Cordoba y de Aragon, duc de Sessa. Leur amitié dure jusque la mort de Lope de Vega.

En 1609, Lope présente son Arte nuevo de hacer comedias, uvre théorique capitale. Il entre à la confrérie d'esclavos del Santísimo Sacramento à laquelle appartenaient alors les grands écrivains, dont Francisco de Quevedo, ami personnel de Lope, et Cervantes, avec qui il a entretenu des relations tendues suite aux allusions contre lui que donne Don Quichotte.

En 1612, la mort de son fils préféré, puis celle de sa femme Juana, l'année suivante, marque un tournant dans sa vie.

Sacerdoce

Le 24 mai 1614, Lope de Vega est ordonné prêtre. Sa vie désordonnée, ses amours coupables et la mort de ses proches ont sans doute provoqué une crise existentielle chez lui, qui se traduit par une inspiration plus spirituelle et religieuse. Cest à ce moment quil écrit les Rimas sacras et de nombreuses uvres pieuses, et ses vers se teintent dinspirations philosophiques.

Luis de Góngora provoque alors une révolution esthétique dans ses Soledades. Même si lon sent chez Lope une nouvelle évolution dans lécriture de ses vers, il tient à se distancier de cette « nouvelle esthétique » culturaniste et sen moque même dès quil en a l'occasion. Ce à quoi Góngora réagit de son côté, notamment en écrivant des satires.

Lope doit essuyer dautres critiques qui portent sur le non-respect des trois règles dunité. Pedro Torres Rámila, auteur dune Spongia en 1617, dénigre non seulement le théâtre de Lope de Vega, mais aussi toute son uvre narrative, épique et lyrique. Ce à quoi ont répondu plusieurs amis humanistes du Phénix, Lopez de Aguilar à leur tête, dans un texte de 1618 « Expostulatio Spongiae a Petro Hurriano Ramila nuper evulgatae. Pro Lupo a Vega Carpio, Poetarum Hispaniae Principe », et qui contient leurs éloges, pour les plus connus, Tomás Tamayo de Vargas, Vicente Mariner, Luis Tribaldos de Toledo, Pedro de Padilla, Juan Luis de la Cerda, Hortensio Félix Paravicino, Bartolomé Jiménez Patón, Francisco de Quevedo, le Comte de Salinas, et Vicente Espinel.

Cest donc critiqué et attaqué, mais encouragé par le texte qui le défend, que Lope continue de sessayer dans le genre épique (La Filomena, 1621 La Andrómeda, 1621 La Circe, 1624 La rosa blanca, 1624 La corona trágica, 1627, sur la vie et la mort de Marie Stuart).

La fin de sa vie

Même si sa vocation est sincère, Lope ne peut maîtriser son tempérament sensuel et poursuit une vie amoureuse sans trouver le bonheur familial.

Il tombe amoureux dune belle jeune femme, Marta de Nevares, un scandale à lépoque vue sa condition d'ecclésiastique. Cette relation est pourtant sérieuse jusqu'à la mort de Marta et a été source de rebondissements et de frustrations, à l'image de ses comedias[6]. Lope cultive la poésie comique et philosophique en se dédoublant en Tomé de Burguillos, hétéronyme burlesque, et médite sereinement sur la vieillesse et sa jeunesse désordonnée.

Il reçoit les honneurs du roi puis, en 1624, Urbain VIII lui confère le titre de docteur en théologie, mais Lope devient de plus en plus seul. Tous ses parents et sa famille meurent (Marta devient aveugle en 1626 et meurt en 1628 Lope Félix se noie en 1634 Antonia Clara, fille naturelle préférée, secrétaire et confidente, est séquestrée par un hidalgo, etc.), ne lui restant quune seule fille, Marcela, religieuse, qui sera la seule à lui survivre. Malgré les tourments de sa vie personnelle, Lope compose des uvres de genre très différents et qui sont à compter au nombre des plus belles réussites littéraires de l'époque : les comedias El castigo sin venganza (1631), La mayor virtud de un rey (1631), en prose: La Dorotea et surtout les uvres lyriques Rimas humanas y divinas qui incluent La Gatomaquia (1631).

Lope de Vega meurt le 27 août 1635. Le peuple de Madrid lui fait de véritables funérailles nationales. Plus de deux cents auteurs écrivent ses éloges publiées à Madrid et à Venise. Son immense talent et réputation sont à lorigine dune expression à lépoque : « Es de Lope », « cest de Lope », utilisée pour indiquer que quelque chose était excellent. Cervantes, malgré son antipathie pour Lope, lappelle alors « le monstre de la nature ».

uvre en prose

Romans

  • La Arcadia (1598) : roman servant de prétexte à la présentation de ses poèmes (plus de 160). uvre au retentissement considérable à lépoque, de très nombreuses fois réimprimée de son vivant.
  • El peregrino en su patria (1604) : roman byzantin et daventures qui se déroule intégralement en Espagne.
  • Pastores de Belén (1612) : roman pastoral religieux qui narre des événements évangéliques en relation avec la naissance du Christ. Prose et poèmes (167).

Nouvelles

  • Las Fortunas de Diana (1621).
  • La desdicha por la honra (1624).
  • La prudente venganza (1624).
  • Guzmán el Bravo (1624).

Action en prose

  • La Dorotea (1632) : uvre dialoguée, plus tardive et en prose. Présente aussi de nombreux poèmes. Il y évoque ses amours pour Elena Osorio.

Prose Historique

  • Triunfo de la fe en el reino de Japón por los anos 1614-1615 (1618).

Prose ascétique

  • Soliloquios amorosos de un alma a Dios (1626).

Critique (didactique et historique)

  • Cinq essais sur la poésie (1602-1623).
  • Justa poética en honor del bienaventurado San Isidro (1620).
  • Relación de las fiestas en la canonización de San Isidro (1622).

uvre en vers

Lyrique religieuse

  • Soliloquios (1612).
  • Rimas sacras (1614) : poèmes essentiellement à la première personne et dirigés à un toi intime où Lope dénonce et se repent dune vie amoureuse désordonnée.
  • Romancero espiritual (1622).
  • Triunfos divinos (1625) : prêtre depuis dix ans, critiqué, Lope sintéresse à la poésie sacrée comme instrument afin de se rapprocher du pouvoir politique et ecclésiastique.

Lyrique profane

  • Églogues : A Amarilis (1633); A Filis (1635).
  • Épitres: A Arguijo; A Rioja; A Matias de Porras; A Francisco de Herrera...
  • Rimas (1602 et 1604) : collection de 200 sonnets. Vu son succès, une seconde partie est publiée en 1604.
  • Rimas humanas y divinas (1634) : dernier recueil de poèmes publié par Lope de Vega, quil attribue à Tomé de Burguillos, hétéronyme burlesque.

Les romances

Lope et Luis de Góngora sont les chefs de file de toute une génération de jeunes poètes qui se font connaître entre 1580 et 1590. Les auteurs ne se préoccupent pas de réclamer directement des droits sur leurs uvres. Lattribution de nombreux textes reste encore aujourdhui floue. Cette nouvelle vague de romances a été très rapidement acceptée par la société de lépoque, et les auteurs mêlent fantaisie conventionnelle, amours, faveurs et dédains, expériences érotiques, etc.

Poèmes narratifs

Didactico-Critique :

  • Laurel de Apolo (1630) : Lope travaille via cet ouvrage de poèmes à gagner les faveurs des hautes sphères et cercles littéraires de lépoque (éloges de poètes de son temps, légendes mythologiques, mais aussi attaques personnelles et satires).
  • Arte nuevo de hacer comedias (1609): uvre critique majeure où Lope fixe les règles dun théâtre qui simpose à lépoque comme un phénomène culturel de masse.
  • Isagoge a los estudios de la compañía.
  • La vega del Parnaso (1637): poèmes publiés après sa mort, mélange de drames et de poèmes lyriques centrés sur la conscience de la mort et qui constituent une révolution du poète par sa technique lyrique.

Descriptifs :

  • Descripción de la Abadia ; Descripción de la Tapada; La mañana de San Juan en Madrid; Las fiestas de Denia, etc.

Burlesque :

  • La Gatomaquia (1634): poème épique burlesque le plus abouti de Lope de Vega, mais aussi du genre épique espagnol.

Pastoral :

  • La selva sin amor (1630) : églogue pastoral, satire.

Religieux :

  • El Isidro (1599) : poème hagiographique sur la vie du saint patron de Madrid, San Isidro. Lope a eu accès aux documents officiels de béatification du saint. Lope est ici très proche du monde rural où vivait le saint, traduisant son réel intérêt de toujours rester en contact avec la nature.

Historique :

  • La corona trágica (1627) : vie et mort de Marie Stuart.
  • La Dragontea (1598) : interdite, La Dragontea dut être imprimée à Valence, puis éditée à lintérieur même de "La hermosura de Angelica". Narre les aventures de sir Francis Drake.
  • La Jerusalén conquistada (1609) : poème épique qui narre la fin des Croisades.

Chevaleresque :

  • La hermosura de Angélica (1602) : dédié à son ami et poète Juan de Arguijo, Lope laisse de côté sa vie de marin sur le San Juan et narre lhistoire dAngélique en continuation du défi (que ceux qui peuvent faire mieux le fassent) lancé par Ludovico Ariosto dans son Orlando Furioso.

Mythologiques :

  • La Filomena (1621) : poèmes et romans variés où Lope sessaie principalement à la légende mythologique.
  • La Andrómeda (1621);
  • La Circe (1624) : uvre sensiblement similaire à La Filomena dans son approche mythologique. Lope répond en surpassant la légende mythologique fixée par son « ennemi » Góngora.

uvre dramatique et La Comedia nueva

Ou tragi-comédie à l'espagnole, fondée par Lope de Vega.

La comedia espagnole représente un des trois grands théâtres inventés par l'Europe des temps modernes (avec le drame élisabéthain et la tragédie française classique)[7]

El arte nuevo de hacer comedias

El arte nuevo de hacer comedias (Le nouvel art de faire des comédies), poésie en 379 endecasílabos, est publiée en 1609 dans l'édition des Rimas[8]. Lope de Vega impose par ce texte une nouvelle forme de théâtre, qui deviendra vite une drogue[9] pour le public espagnol du XVIIIe siècle. L'action prime sur la réflexion ou la profondeur psychologique[10]. Les plaisanteries de l'inévitable gracioso (le valet bouffon) ne sont pas toujours du meilleur goût... Mais le public ne se lassera pas des Comedias qui offrent aux spectateurs un mélange tragique et comique, un regard différent sur le monde, du rêve, mais toujours sous une idéologie conservatrice et aux valeurs traditionnelles. La persistance de la tradition médiévale[11] à travers des genres populaires comme ceux des coplas et des romances sont des faits typiques de l'évolution littéraire espagnole, et la comedia nueva naît de ces circonstances.

C'est lors d'une conférence que Lope de Vega présente son texte devant une assemblée de savants et d'humanistes de Madrid.

J.-M. Rozas divise le texte en trois parties[12] La première partie, Parte prologal (v. 1-48)[13], qui se présente comme une captatio benevolentiae[14]. Lope s'adresse à son auditoire avec une certaine ironie, laissant entendre que tous ceux qui sont présents savent mieux que lui la façon d'écrire une comedia et que c'est d'abord le (mauvais) goût du public qui doit être pris en considération. On retrouve cette captatio benevolentiae dans la troisième partie : Parte epilogal (v.362-389).

Dans la seconde partie (Parte doctrinal) (v.49-461), Lope fera la description de son Arte nuevo et en présente les concepts fondateurs. Une partie théorique divisée elle-même en dix paragraphes[15] présentant chacun de ces concepts :

  1. Le concept de la tragi-comédie.
  2. Les unités.
  3. Division du sujet.
  4. Langage.
  5. Métrique.
  6. Les figures rhétoriques.
  7. Thématique.
  8. Durée de la comedia.
  9. L'usage de la satire : intentionnalité.
  10. Sur la représentation.

Lope exprime ainsi sa vision d'un Arte nuevo qu'il veut mettre à égalité au genre théâtral issu de l'Antiquité. Son intention reste de s'en détacher en l'adaptant au goût du monde baroque. Il le fait de manière brusque, en s'exprimant par ce texte très structuré, où il convient de préciser que « Lope [...] ne craint de hausser le plaisir esthétique du spectateur (el vulgo) au rang de norme suprême de l'art »[16].

Lope insiste d'abord sur un habile mélange de genre : le comique et le tragique. Mélange que Lope observe même dans la nature (« buen ejemplo de la naturaleza/ que por tal variedad tiene belleza »)[17].

Il ne reprend pas la règle des trois unités, observée avec rigueur dans le théâtre français et sacralisée par les théoriciens italiens. Il recommande seulement une unité temporelle qui reste vraisemblable. Pas d'unité d'action, s'inspirant de l'"imbroglio" à l'italienne. Quant à l'unité de lieu, il n'en parle même pas. La pièce doit se diviser en trois actes, ou trois journées:

  • Le premier acte consiste en une présentation du sujet de la pièce et des personnages.
  • Le second noue le drame.
  • Le dernier en donne le dénouement.

Quant à la versification, et la métrique, aucune règle n'est imposée.

Parker pose cinq principes qui structurent la Comedia[18] :

  • La prépondérance de l'action sur le développement des personnages.
  • La prépondérance du sujet sur l'action, et la conséquence implicite de la vraisemblance réaliste.
  • L'unité dramatique du sujet et non de l'action.
  • La subordination du sujet à une intention morale.
  • L'élucidation de l'intention morale par raccroc dramatique.

Comedias attribuées à Lope de Vega

Entre 1604 et 1647 ont été publiés 25 tomes des Comedias, bien que les premiers soient sortis sans le consentement de leur auteur. Ce dernier na pris les choses en main quà partir du tome IX (1617) et jusquaux tomes XXI et XXII (à sa mort).

Juan Pérez de Montalbán, disciple de Lope, affirme, dans son Fama póstuma, que le Phénix en aurait écrit 1 800, ainsi que 400 autos-sacramentales, dont la plus grande partie serait à jamais perdue.

Lope, plus modeste, en reconnaît 1 500, incluant certainement ses autos-sacramentales.

Charles Vincent Aubrun[19] estime que le dramaturge nécrivait quun plan des uvres et en composait certaines parties, laissant à des poètes et auteurs de son atelier le soin de compléter luvre.

Rennert y Castro[20] conteste le chiffre exagéré dans une étude et pense que lon peut attribuer à Lope 723 titres, dont 78 sont dattribution douteuse, et 219 titres perdus, ce qui porterait aujourdhui à 426 pièces effectivement de Lope.

Morley y Bruerton[21], suivant en partie des critères de métriques et versification, attribue à Lope 316 comedias, 73 seraient incertaines et 87, communément attribué à Lope, ne le seraient pas.

Les uvres majeures et de premier plan

De toutes ses uvres « officiellement » attribuées, sont reconnus comme uvres majeures (sans enlever pour autant des scènes dautres comedias où brille encore le génie de Lope) :

  • Peribáñez y el comendador de Ocaña (1610).
  • Fuenteovejuna (1612-1614) (adapté en téléfilm en 1962 sous le titre de Font-aux-cabres).
  • La dama boba (1613).
  • Amar sin saber a quién (1620-1622).
  • El mejor alcalde el rey (1620-1623).
  • El caballero de Olmedo (1620-1625).
  • La moza de cántaro (1624-1630).
  • Por la puente, Juana (1624-1630).
  • El castigo sin venganza (1631).

Ainsi que des uvres de premiers plans:

  • El perro del hortelano.
  • El villano en su rincón.
  • El duque de Viseo.
  • Lo fingido verdadero.
  • La discreta enamorada.
  • El acero de Madrid.
  • Los embustes de Celauro.
  • El bobo del colegio.
  • El amor enamorado.
  • Las bizarrías de Belisa.
  • La esclava de su galán.
  • La niña de plata.
  • El arenal de Sevilla.
  • Lo cierto por lo dudoso.
  • La hermosa fea.
  • Los milagros del desprecio.
  • El anzuelo de Fenisa.
  • El rufián Castrucho.
  • El halcón de Federico.
  • La doncella Teodor.
  • La difunta pleiteada.
  • La desdichada Estefanía.
  • El rey don Pedro en Madrid.

uvres par thèmes

Marcelino Menéndez Pelayo[22], critique et un des premiers éditeurs du théâtre de Lope, divise les thématiques de ces uvres en cinq grands blocs :

  • Les Comedias religieuses : testaments, vie de saints et légendes pieuses : La creación del mundo (1631-35), La hermosa Ester (1610), Barlaan y Josafat (1611) sur la légende de Barlaam et Josaphat, El divino africano (1610), sur la vie de Saint Augustin. San Isidro de Madrid (1604-06), San Diego de Alcalá (1613), et des autos sacramentales comme El tirano castigado.
  • Comedias mythologiques, histoires antiques et étrangères : les mythologies sinspirent des Métamorphoses dOvide. Drames destinés à la Cour et à laristocratie. Parfois même le roi, la reine et des nobles participaient en personne aux représentations. El vellocino de oro (1620), El laberinto de Creta (1612-15), El duque de Viseo (1608-09), Roma abrasada (1598-1600), El gran duque de Moscovia (1606), La reina Juana de Nápoles (1597-1603).
  • Comedias de souvenirs et traditions historiques espagnoles. Elles se fondent sur les stéréotypes culturels espagnols : El villano en su rincón (1614-1616), La campaña de Aragón (1600), Légende de la Campana de Huesca, et histoire des règnes de Pedro I de Aragón, Alfonso I el Batallador et Ramiro II el Monje. Castelvines y Monteses (1606-12), qui s'inspire de la nouvelle de Mateo Bandello, comme l'a fait aussi William Shakespeare pour son Roméo et Juliette. Dans l'uvre de Lope, les amants finissent toujours par se marier.
  • Comedias de pure invention : chevaleresque, pastorales, romanesques. À la fin du XVIe siècle, apparaissent en Espagne les romances populaires qui trouvent leur origine dans le Moyen Âge et sont de tradition orale. El caballero de Olmedo (1622). Les pastorales imitent la Renaissance italienne et sont principalement inspirées de lArcadie de Sannazaro et des églogues de Juan del Encina et de Garcilaso de la Vega, La Diana de Jorge de Montemayor, etc., El pastor Fido (1585).
  • Comedias de murs (murs urbaines et palatines).

Aubrun[23] lui préfère une division en trois grands thèmes :

  • LAmour.
  • Lhonneur.
  • La Foi.

Ruiz Ramon, quant à lui, parle de :

  • Drames issus dun pouvoir injuste (noble/peuple peuple/roi roi/noble).
  • Drames dhonneur
  • Drames damour.

Bibliographie (traduit en français)

  • Lope de Vega, El Acero de Madrid, texte établi avec une introduction et des notes par Aline Bergounioux, Jean Lemartinel et Gilbert Zonana, éd. Klincksieck, 1971, 172 p.
  • Lope de Vega, Santiago el Verde, texte établi avec une introduction et des notes par Jean Lemartinel, Charles Minguet et Gilbert Zonana, éd. Klincksieck, 1974, 200 p.
  • Lope de Vega, "Fuente Ovejuna", édition bilingue, texte établi, présenté et traduit par Louis Combet, éd. Flammarion, 1992, 190 p.
  • Théâtre espagnol du XVIIe siècle, t. 1, introduction générale par Jean Canavaggio, bibliothèque de la Pléiade, éd. Gallimard, 1994, 1726 p.

Ce volume contient les pièces suivantes de Lope Félix Vega Carpio, présenté par Bernard Gille :

  • La Foire de Madrid (Las ferias de Madrid), texte présenté, traduit et annoté par Pierre Dupont.
  • Peribañez et le commandeur d'Ocaña, texte présenté, traduit et annoté par Pierre Dupont.
  • L'Eau ferrée de Madrid (El Acero de Madrid), texte présenté et annoté par Nadine Ly, traduit par Patrice Bonhomme et Nadine Ly.
  • L'Adultère pardonnée (La adultera perdonada), texte présenté, traduit et annoté par Michel Garcia.
  • Fuente Ovejuna, texte présenté, traduit et annoté par Pierre Dupont.
  • Mudarra le Bâtard (El bastardo Mudarra), texte présenté, traduit et annoté par Pierre Blasco.
  • La Petite Niaise (La dama boba), texte présenté, traduit et annoté par André Nougué et Robert Marrast.
  • Le Chien du jardinier (El Perro del hortelano), texte présenté, traduit et annoté par Frédéric Serralta.
  • Le Paysan dans son coin (El Villano en su rincon), texte présenté, traduit et annoté par Jean Testas.
  • Le meilleur alcade est le roi (El mejor alcalde, el Rey), texte présenté, traduit et annoté par Jean Testas.
  • Le Mari le plus constant, Orphée (El marido mas firme, Orfeo), texte présenté, traduit et annoté par Jean-Pierre Ressot.
  • Le Chevalier d'Olmedo (El caballero de Olmedo), texte présenté, traduit et annoté par Jean Testas.
  • Le Châtiment sans vengeance (El castigo sin venganza), texte présenté, traduit et annoté par Robert Marrast.
  • L'Étoile de Séville (La Estrella de Sevilla - dont l'attribution à Lope de Vega est aujourd'hui remise en cause), texte présenté, traduit et annoté par Bernard Gille.

Notes et références

  1. Attention, le terme de comedia ne doit pas se traduire en français par comédie.
  2. Cf. le point 4.2 de cet article
  3. Montalbán, son disciple, affirme que Lope connaissait dès l'âge de douze ans la rhétorique, la grammaire, la danse, le chant et le maniement de l'épée. Mais, pour certains critiques, il est invraisemblable que Lope ait commencé à étudier avant son entrée à l'école élémentaire de Vicente Espinel. Cf. sur ce point Vicente Espinel and Marcos de Obregón, G. Haley, Providence, 1959, p.8.
  4. Certains critiques en doutent. Cf. Introduction de El Perro del hortelano, éd. de David Kossof, Clásicos Castalia, Madrid, 1989, p.10-11.
  5. C'est-à-dire, à l'époque du siècle d'or espagnol, pas de descendance cent pour cent espagnole ni catholique.
  6. Mariage forcée de Marta, mort du mari, impossibilité de se marier ensemble (Lope étant prêtre), vie commune sous le toit de Juana, en compagnie d'enfants illégitimes de Lope, etc.
  7. Théâtre Espagnol du XVIIIe siècle - Tome1, introduction générale par Jean Canavaggio, bibliothèque de la Pléiade, éd. Gallimard, 1994, 1726 p.
  8. Arte Nuevo de hacer comedias, reproduit par F. Pedraza dans Lope de Vega Esencial, Madrid, Taurus, 1990, p.269-276.
  9. B.Bennassar, L'Histoire des Espagnols, Paris, Robert Laffont, 1992, p387
  10. Lope de Vega, "Fuente Ovejuna", édition bilingue, Texte établi, présenté et traduit par Louis Combet, éd. Flammarion, 1992, 190 p.
  11. "Fuente Ovejuna", édition bilingue..., Louis Combet, Op. Cit.
  12. Estudios sobre Lope de Vega, J.-M. Rozas, Madrid, Cátedra, 1990, p. 269-276.
  13. Arte nuevo de hacer comedias, reproduit par F. Pedraza, op. cit.
  14. La captatio benevolentiæ (expression latine) est une technique oratoire qui permet d'attirer l'attention de l'interlocuteur par divers moyens oraux.
  15. J.-M. Rozas, Estudios..., op. cit., p.274.
  16. M. Vitse, Éléments pour une théorie du théâtre espagnol du XVIIe siècle, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1990, p. 176.
  17. Arte nuevo de hacer Comedias..., op. cit., v-179-180.
  18. A. Parker, « Una interpretación del teatro español del siglo XVII », in Historia critica de la literatura española, t. III, dir. par J. M. Diez Borque, éd. de B. W. Wardropper, Barcelone, Critica, 1983, p. 259-260.
  19. La Comédie espagnole : 1600-1680, C. V. Aubrun, Paris, 1966.
  20. Vida de Lope de Vega, H. A. Rennert et A. Castro, Salamanque, 1967, p. 241-242.
  21. The Cronology of Lope de Vega's Comedias, S. G. Morley et C. Bruerton, Berkeley, 1940.
  22. Observations préliminaires à l'édition des uvres de Lope de Vega, RAE, Madrid, 1890-1913.
  23. La Comédie espagnole... op. cit.

Voir aussi

Articles connexes

  • Codex Daza
  • Siècle d'or espagnol
  • Théâtre espagnol
  • Corral de comedias
  • Littérature baroque espagnole
  • Gabriel Pereira de Castro

Liens externes (en français)

Sur la représentation de Pedro et le Commandeur à la Comédie Française, mise-en-scène de Omar Porras:

Divers :

Citations :

Liens externes (en espagnol)

Dernière modification de cette page 11.04.2014 07:35:49

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