Herbert von Karajan

Herbert von Karajan

Date de naissance 5.4.1908 à Salzburg, Salzburg, Autriche

Date de décès 16.7.1989 à Anif , Salzburg, Autriche

Herbert von Karajan

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Herbert von Karajan ( audio) est un chef d'orchestre autrichien, né à Salzbourg le 5 avril 1908 et mort à Anif, près de Salzbourg, le 16 juillet 1989.

Spécialiste du répertoire austro-germanique et d'Europe centrale de Bach à Bartók ainsi que de l'opéra italien, il a laissé près de six cents enregistrements chez Deutsche Grammophon, EMI et Decca, ce qui en fait le chef le plus enregistré du XXe siècle.

Biographie

De vrai nom Heribert, Ritter von Karajan (chevalier de Karajan)[1], Karajan est né dans une famille autrichienne de Salzbourg dont un ancêtre paternel était originaire de Grèce. Son arrière-arrière-grand-père, l'Aroumain Geòrgios Johannes Karajànnis, originaire de Kozani, partit pour Vienne en 1767 puis pour Chemnitz en Saxe. Lui et son fils furent anoblis par l'électeur de Saxe, Frédéric-Auguste III, le 1er juin 1792 en reconnaissance de leur contribution au développement de l'industrie textile saxonne ; Karajànnis devint Karajan, auquel fut ajoutée la particule von. Il est le second fils d'Ernst, chirurgien et directeur du principal hôpital de Salzbourg, et de Martha Cosmac, issue d'une famille de notables de la région de Graz[2].

Son père qui est clarinettiste au Mozarteum de Salzbourg, initie tôt ses enfants à la musique. Son frère aîné Wolfgang se révèle peu doué pour le piano mais Herbert, caché sous l'instrument, profite des leçons laborieuses de Wolfgang, avant même de recevoir des leçons et de devenir un interprète doué. De 1916 à 1926, il étudie au Mozarteum de Salzbourg. Le directeur du conservatoire local, le pédagogue Bernhard Paumgartner, le prend sous son aile et devient son mentor, lui conseillant de se concentrer sur la composition et la direction d'orchestre, cette conversion étant favorisée par une tendinite chronique qui affecte les doigts d'Herbert[3].

Il poursuit ses études musicales à l'Académie de musique de Vienne auprès du professeur Franz Schalk.

Herbert von Karajan fait ses débuts officiels de chef d'orchestre en 1929 en dirigeant Salomé de Richard Strauss à Salzbourg et devient, jusqu'en 1934, premier maître de chapelle de l'Opéra d'État d'Ulm. En 1933, il fait ses débuts au Festival de Salzbourg en dirigeant La Nuit de Walpurgis de Mendelssohn dans une production du Faust de Goethe par le metteur en scène Max Reinhardt. La même année, il présente à Salzbourg une première demande d'adhésion au Parti nazi[4], qui n'aboutit pas à cause des restrictions décidées au sein du parti nazi après l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler ; mais il y adhère finalement deux ans plus tard, en mars 1935, notamment dans le but d'obtenir le poste ardemment convoité de chef de l'orchestre symphonique du théâtre d'Aix-la-Chapelle. Cette adhésion fait suite à l'expression répétée de sympathies vis-à-vis de l'extrême droite dans sa jeunesse et ne peut être réduite à son carriérisme[5].

En 1935, il est le plus jeune directeur musical (Generalmusikdirektor) allemand et il est invité à diriger à Stockholm, Bruxelles et Amsterdam. En 1937, il fait ses débuts à la tête de l'Orchestre philharmonique de Berlin et de l'Opéra national dans Fidelio.

En 1938, il obtient son premier grand succès à Berlin en dirigeant Tristan et Isolde ; un critique berlinois titre ainsi son article : « Das Wunder Karajan » (« Le miracle Karajan »). Il devient alors un pion utilisé contre Wilhelm Furtwängler dans la guerre culturelle interne qui oppose Joseph Goebbels à Hermann Göring pour le contrôle du monde musical allemand, Goebbels soutenant l'Orchestre philharmonique de Berlin et Goering l'Opéra national. Le 26 juillet 1938, il épouse la chanteuse d'opérette Elmy Holgerloef. Ils divorcent en 1942, Herbert se remariant le 22 octobre de la même année avec la jeune héritière d'une grande dynastie d'industriels allemands, Anna Maria, dite Anita[6] Gutermann.

En 1939, Karajan s'attire l'inimitié d'Hitler lors d'un concert de gala donné en l'honneur des monarques yougoslaves où, en raison de l'erreur du baryton Rudolf Bockelmann, il perd le fil des Maîtres Chanteurs du compositeur Richard Wagner — qu'il dirigeait sans partition, comme à son habitude —, les chanteurs cessent alors de chanter et, dans la plus grande confusion, le rideau tombe ; furieux, Hitler donne cet ordre à Winifred Wagner : « Moi vivant, Herr von Karajan ne dirigera jamais à Bayreuth ». Karajan demeure cependant à la tête de l'orchestre de la Staatskapelle de Berlin à l'Opéra national[7].

Après la guerre, en 1947, il est « dénazifié » par les Alliés et pris sous contrat par Walter Legge, pour devenir l'année suivante chef d'orchestre permanent du Philharmonia Orchestra à Londres. À la réouverture du Festival de Bayreuth en 1951, ainsi que l'année suivante, il est invité à diriger l'orchestre du festival, notamment dans un Tristan et Isolde devenu légendaire. Le chef d'orchestre Wilhelm Furtwängler meurt fin 1954. Karajan est nommé en 1955 chef à vie[8] de l'Orchestre philharmonique de Berlin, ce qui lui permet de réaliser son rêve de toujours : devenir le successeur de l'illustre chef allemand.

Sa nomination signe le départ de Sergiu Celibidache, le chef associé du Philharmonique de Berlin. Karajan vouait une inimitié à Celibidache et raya son nom de la liste des chefs titulaires du Philharmonique. Ce dernier ne redirigera le Philharmonique qu'une seule fois, en 1992, après la mort de Karajan et son nom ne fut rétabli parmi la liste des chefs titulaires que tardivement par Simon Rattle, lors de sa prise de fonction à la tête du Philharmonique de Berlin en 1999.

Il est alors à la tête de l'orchestre qui est considéré, à l'époque, et depuis longtemps déjà, comme le plus prestigieux du monde et Karajan peut se considérer comme l'héritier de la plus grande tradition allemande de direction orchestrale (Richard Wagner, Hans von Bülow, Arthur Nikisch[9] et Wilhelm Furtwängler). La qualité de l'orchestre est telle que Karajan confia une fois à ses nouveaux musiciens qu’« il avait l'impression de s'appuyer contre un mur épais lorsqu’il les dirigeait » [10].

En 1955, après un premier concert à New York, il fait avec l'orchestre une grande tournée aux États-Unis, qu'il renouvelle l'année suivante. C'est dans ces années que se met en place le « système Karajan » très élaboré, qui consiste à faire travailler l'orchestre en studio avant d'enregistrer les opéras sur disque, de sorte qu'au moment des représentations sur scène, l'orchestre est parfaitement rodé.

En 1956, Karajan prend la direction artistique du Festival de Salzbourg, qu'il ne quittera pas jusqu'en 1988. En 1957, il succède à Karl Böhm en tant que directeur artistique de l’Opéra d’État de Vienne, poste qu'il quitte en 1964 sur une brouille. En 1967, il crée le Festival de Pâques de Salzbourg, tout en restant à la tête du Festival de Salzbourg. C'est alors qu'il enregistre au disque, jusqu'en 1971, un Ring qui fait date par son parti-pris de transparence sonore et de légèreté orchestrale.

De 1969 à 1971, il est le directeur artistique de l'Orchestre de Paris. En 1977, il retrouve l'Orchestre philharmonique de Vienne pour la première fois depuis 1964 ; il n'y sera plus jamais directeur, mais chef invité. À l'orée des années 1980, Karajan joue un rôle capital dans le développement de l'enregistrement numérique et apparaît dans la première conférence de presse annonçant la création du disque compact. En 1982, il entre en conflit avec son orchestre en tentant d'imposer Sabine Meyer au poste de clarinette solo, dans une formation alors quasi exclusivement masculine[11]. C'est le début d'une période tendue avec « ses » musiciens de Berlin qui le verra de plus en plus souvent diriger à Vienne. En 1987, il dirige le Concert du nouvel an au Musikverein de Vienne avec la soprano Kathleen Battle.

Il donne son dernier concert parisien en 1988 au théâtre des Champs-Élysées, avec, au programme, La Nuit transfigurée de Schönberg et la première symphonie de Brahms. Le 23 avril 1989, il donne à Salzbourg son dernier concert, avec la Philharmonie de Vienne et au programme la septième symphonie de Bruckner. Usé par une maladie du dos et la douleur qui le contraignent à porter un corset rigide, il démissionne le 24 avril 1989 de l'Orchestre philharmonique de Berlin, et réalise le même jour, chez Deutsche Grammophon et avec l'Orchestre philharmonique de Vienne, son dernier enregistrement, celui de la Septième de Bruckner. Le 16 juillet suivant, il meurt d'une crise cardiaque dans sa maison d'Anif.

Orientations musicales

Karajan a exploré un très vaste répertoire allant du baroque jusqu’à la musique du XXe siècle. Il a déclaré à l’occasion de la parution de son enregistrement de l’opéra Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, qu’il n’a enregistré qu’une seule fois après l’avoir plusieurs fois dirigé à la scène, qu’il s’agissait de son ouvrage préféré. Il a confié lors d’un entretien à la radio France Musique qu’il était en osmose avec cette œuvre comme s’il l’avait écrite, et qu’avant de l’enregistrer pour EMI, il avait dit aux musiciens de l’Orchestre philharmonique de Berlin que tout ce qu’ils avaient fait avec lui jusque-là n’était qu’une préparation à l’enregistrement de Pelléas[12].

Toutefois, son nom reste surtout attaché aux « piliers » du répertoire germanique. Son répertoire est en fait celui des autres chefs de sa génération, voire plutôt de la génération précédente. S’il montre dans Mozart, surtout dans les années 1950, un naturel assez nouveau, ni Schubert ni Schumann ne font vraiment partie de son univers[réf. nécessaire]. Ses interprétations de Haydn, et plus encore de Bach, ne sont pas de sa spécialité. Les œuvres du XXe siècle qu’il a dirigées étaient soigneusement choisies : le Concerto pour orchestre de Bartók, Le Sacre du printemps de Stravinski, la symphonie no 10 de Chostakovitch et quelques autres (Honegger, Nielsen). Dans les années 1970, il ajoute à son répertoire quelques œuvres de l’« École de Vienne » et de Gustav Mahler (les symphonies nos 4, 5, 6, 9 et Le Chant de la terre). Avec Anton Bruckner également, il entretient la même relation que des chefs nés quinze ans avant lui : si ses 4e, 5e, 7e, 8e et 9e symphonies font partie du cœur de son répertoire, il ne s’aventure que rarement dans les autres, qui semblent moins bien lui convenir. En définitive les compositeurs qu’il a le plus pratiqués, le plus exhaustivement et dans lesquels il est le plus reconnu sont Beethoven, Brahms, Tchaïkovsky, Sibelius, Puccini, Wagner et Richard Strauss. Il faut toutefois souligner l'importance qu'il a accordée à la musique de Sibelius, au point qu'il exigea contractuellement que sa 4e symphonie figure au programme de son premier concert avec le Berliner Philharmoniker.

Concernant son style de direction, il appartient à une génération de chefs germaniques de culture et d’école, mais influencés par quelques chefs latins, italiens surtout : tout particulièrement Toscanini et De Sabata. Par rapport à des chefs d’une génération antérieure, cela se traduit par des tempos plus stables et une plus grande transparence, tout en conservant un son orchestral de culture germanique, large et puissant. Même si le style de Karajan a évidemment évolué au cours de sa carrière, ces caractéristiques se sont maintenues, avec toutefois une prédilection croissante pour le legato et le son.

Compositeurs enregistrés

Le legs discographique de Karajan est considérable. Karajan a enregistré jusqu'à quatre ou cinq fois certaines œuvres (le Canon de Pachelbel, la Missa Solemnis de Beethoven, l'intégrale des symphonies de Beethoven, l'intégrale des symphonies de Brahms[13], Un requiem allemand de Brahms).

En 1972, lorsque le Conseil de l'Europe fit de lʼHymne à la joie de Beethoven (9e symphonie) son hymne officiel, il demanda à Herbert von Karajan d'en écrire trois arrangements, pour piano, instruments à vent et orchestre symphonique. En 1985 lʼHymne à la joie devint, également, l'hymne officiel de l'Union européenne. Dans l'ordre alphabétique (liste exhaustive / en gras ses compositeurs de prédilection) :

Côte d'Azur

Karajan avait ses habitudes sur la Côte d'Azur. C'est d'ailleurs à Saint-Tropez, début 1957, qu'il rencontre Éliette Mouret, un mannequin de 17 ans, originaire de Mollans-sur-Ouvèze (Drôme), qui devient sa troisième épouse le 18 octobre 1958, le jour des 19 ans de cette dernière. Il acquit la villa « La Palme » en bord de mer au Cap de Saint-Tropez, à l'entrée de la baie des Canoubiers, où ses voiliers successifs étaient amarrés : les Helisara sur lesquels il participa à de nombreuses régates.

La complicité entre le musicien et la mer remonte à sa prime enfance[14] et, dès 1938, il faisait l’acquisition de son premier voilier, Karajanides. En 1967, il lançait le premier des six Helisara qui marqueront sa vie. Ce nom est un acronyme fabriqué à partir des initiales de son propre prénom, de celui de son épouse et de ses deux filles : (H)erbert, (El)iette, (Is)abel et (Ara)bel. Cinq voiliers porteront ce nom jusqu'à Helisara VI, un maxi de 24 mètres, à bord duquel Karajan remporta de nombreuses régates.

Il installa à Monaco sa maison d'édition, Télémondial, qui réalisa les premiers vidéo-disques importants de l'histoire de la vidéo contemporaine[15].

Distinctions

  • Docteur honoris causa de l'Université Waseda[16].
  • « Honorary Degree of Doctor of Music » de l'Université d'Oxford, le 20 juin 1978[17].

Voir aussi

Bibliographie

  • Jose Luis de Vilallonga, Gold Gotha, Paris, Seuil, 1973.
  • Richard Osborne, Une vie pour la musique, Paris, L'Archipel, 1999 (ISBN 2-841871894).
  • Bruno Streiff, Karajan, le chef d'orchestre, Paris, Éditions Complicités, 2003.
  • Pierre-Jean Rémy, Karajan, la biographie, Paris, Odile Jacob, 2008.
  • Peter Uehling, Karajan. Une biographie, Paris, Éditions Hermann, 2008.
  • Carole Weisweiller, Ma famille de Coeur, Paris, Michel de Maule, 2016, pp. 38-44.

Vidéographie

  • Herbert von Karajan in rehearsal and performance (1965 (Schumann), 1966 (Beethoven)), réalisation Henri-Georges Clouzot, DVD Unitel, 2006.
  • Franck Chaudemanche, « Karajan intime », documentaire TV, 55 min, France, 2008.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. Pierre-Jean Rémy, Karajan. La biographie, Odile Jacob, 2008.
  2. Claire Alby, Alfred Caron, Karajan: l'homme qui ne rêvait jamais, Mille et une nuits, 1999, p. 31.
  3. (en) Dina Kirnarskaya, The Natural Musician: On Abilities, Giftedness, and Talent, Oxford University Press, 2009, p. 300.
  4. Nouvel éclairage sur l'engagement nazi de Karajan, Le Point, 15 décembre 2012.
  5. « Nouvel éclairage sur l'engagement nazi de Karajan », sur Le Point (consulté le 10 janvier 2016)
  6. Pierre-Jean Rémy, op. cit., p. 139.
  7. Engagement nazi, sur francetv.fr.
  8. Karajan nommé chef à vie.
  9. À proprement parler, Nikisch n'était pas allemand mais hongrois.
  10. Voir http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/greniers/emission.php?e_id=35&d_id=10000256&arch=1.
  11. Herbert von Karajan Is Dead; Musical Perfectionist Was 81.
  12. Entretien avec René Koering et Philippe Caloni, 23/06/79, France Musique, archives de l'INA.
  13. Karajan n'a cependant pas enregistré chaque symphonie autant de fois l'une que l'autre. Autant la Première est celle qu'il a le plus dirigée, autant c'est tout le contraire pour la Troisième.
  14. Denis Van den Brink, « Des Voiles de St Tropez très sportives ! », 6 octobre 2007, dans www.adonnante.com.
  15. André Peyregne, « La belle histoire d'Herbert von Karajan et de la Côte d'Azur », dans Nice-Matin, 5 avril 2008.
  16. (en)Honorary Doctorates,Prize and Awards, Waseda University, consulté sur www.waseda.jp le 19 septembre 2012.
  17. (en) Site en anglais sur Herbert von Karajan de Linda Perkins.
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